Écrit le par dans la catégorie Histoire, Les forçats de la route.

En 1999, Liège-Bastogne-Liège, la Doyenne, se courrait encore avant l’Amstel et constituait la quatrième manche de la Coupe du Monde, deux semaines après Paris-Roubaix. Trois favoris se dégageaient, Michele Bartoli, Laurent Jalabert et Franck Vandenbroucke. L’Italien, double tenant du titre, sortait d’une démonstration impériale dans une Flèche Wallonne courue sous la neige. Laurent Jalabert, son plus sérieux rival lors des deux précédentes éditions, s’était lui imposé au Pays Basque. Enfin, VDB avait fait parler toute sa classe pour rejoindre Johan Museeuw et Peter van Petegem dans le final du Tour du Flandres, après avoir été distancé sur un incident mécanique, même si la victoire lui avait finalement échappé. Des outsiders étaient aussi au départ, en la personne de Michael Boogerd, vainqueur de Paris-Nice un peu plus tôt dans la saison ou de son coéquipier Maarten den Bakker qui fut le seul à accompagner Bartoli jusqu’au pied du Mur de Huy.

 

Un formidable mano-à-mano sur les pentes de la Redoute.

La course démarra très tôt. Dès la Côte de Wanne, première difficulté principale du final, Laurent Jalabert choisit une stratégie offensive. Mis en échec par Michele Bartoli deux années de suite, le Français changeait de tactique et pariait sur une attaque lointaine. Malheureusement pour lui, le peloton ne le laissera pas filer, ne lui laissant guère plus d’une minute comme avantage avant de fondre sur lui au moment d’aborder la principale difficulté du jour, la Côte de la Redoute. La Redoute est un point de passage incontournable de la Doyenne. La route qui s’enfonce dans la forêt présente des pentes à près de 20%, un incontournable pour tout favori qui se respecte. C’est le moment idéal pour lancer la course et jauger ses adversaires. Michele Bartoli et Franck Vandenbroucke ne s’en priveront pas pour nous offrir un véritable récital.

Il convient de rappeler que les deux hommes ne s’appréciaient guère. Jusqu’à la saison précédente, ils étaient équipiers sous les couleurs de la puissante formation Mapei, menant à une cohabitation difficile entre deux hommes qui poursuivaient des buts similaires. Michele Bartoli restait le leader historique de la formation italo-belge tandis que Frank Vandenbroucke partait trouver refuge chez Cofidis. Michele Bartoli lançait les hostilités dans la Côte de la Redoute, pour se porter assez rapidement en tête. Michael Boogerd faisait l’effort puor ne pas lui laisser de champ. Frank Vandenbroucke observait un peu plus loin derrière avant de remonter dans sa roue avec une certaine facilité. Il se payait même le luxe de placer un contre. Le double tenant du titre ne lâchait pas d’un pouce et les deux hommes se livraient à un véritable sprint, une scène qui nous paraitrait totalement inimaginable aujourd’hui. Cependant, Bartoli dut s’incliner face à la pédalée aérienne de VDB. Le Belge sortait vainqueur du duel psychologique avec son ancien coéquipier. Il l’avait fait vaciller en le réléguant à huit secondes au sommet, sous les yeux des arbitres de la Rabobank, Michael Boogerd et Maarten den Bakker.

 

Saint-Nicolas en juge de paix

Après cette démonstration de force, VDB calmait habilement le jeu et laissait doucement revenir le trio, puis le reste des hommes forts pour constituer un groupe de 17 hommes en tête. Il fallait encore affronter deux difficultés majeures, la Côte de Sart-Tilman et la Côte de Saint-Nicolas, ainsi que de longues sections planes. La course se neutralisa ainsi pendant de nombreux kilomètres. Lors de l’ascension de Sart-Tilman, tout le monde guettait l’attaque de Bartoli. Il faut dire que cette côte a fait sa réputation, une côte qu’il affectionnait tout particulièrement. L’édition 1997 s’y est jouée, lorsque Michele Bartoli a su se débarrasser de la menace des ONCE, Laurent Jalabert et Alex Zülle, à un contre deux. Le Suisse avait lâché prise, le Français avait ensuite perdu son duel dans la Côte de Ans. Cependant, cette année, Bartoli n’avait plus la même aisance et la côte fut avalée sans mouvement significatif. Frank Vandenbroucke se réservait lui pour la Côte de Saint-Nicolas.

La Côte des Italiens, surnommée ainsi car elle traverse un quartier majoritairement italophone de Liège faisait sa deuxième apparition sur le parcours. Inaugurée en 1998, elle allait cette fois-ci y acquérir ses lettres de noblesse. VDB avait particulièrement préparé son affaire, grimpant inlassablement cette côte la veille de la course. Le Belge avait mis son plan de bataille en marche, il savait exactement où et quand attaquer et il se tenait à cette stratégie. L’offensive de Michael Boogerd ne l’a même pas contrarié. VDB, toujours aussi aérien revenait facilement au contact et attendait le plus fort de la pente, l’endroit exact où il avait planifié son attaque. La contre-attaque était sans pitié. VDB était le meilleur ce jour-là et il n’avait plus qu’à terminer le travail en ralliant Ans en solitaire. Il parvenait à conserver une marge de 30 secondes sur Boogerd, courte mais suffisante. Maarten den Bakker devançait Michele Bartoli pour la dernière place sur le podium, tandis qu’un jeune italien prenait rendez-vous avec l’avenir en terminant à la cinquième place. Il s’agissait de Paolo Bettini, futur vainqueur l’année suivante qui se constituera un palmarès particulièrement bien garni.

 

L’apogée d’une carrière en dent de scie

Les perspectives d’avenir étaient resplendissantes pour VDB après ce succès. L’homme faisait montre de qualités sur tous les terrains et semblait prêt à devenir le nouvel homme fort de la décennie 2000, comme Jalabert avait pu l’être à partir de 1995. Ce premier monument gagné en appelait d’autres, peut-être même les cinq. Hélas, tout s’arrêta quelque mois plus tard avec l’interpellation de Bernard Sainz, surnommé Docteur Mabuse. Le spectre du dopage rattrapait VDB et le fauchait en plein vol. Suspendu une première fois, il ne retrouvera jamais une telle condition et alternera le meilleur avec le pire, capable de jouer la victoire sur le Tour des Flandres en 2003 comme de s’aligner sur des courses amateurs avec une fausse licence arborant la photo de Tom Boonen. Mentalement instable, il enchainera de multiples épisodes dépressifs, ponctués de tentatives de suicide et d’affaires de drogue, pour s’éteindre définitivement en 2009 dans une chambre d’hôtel au Sénégal, une bien triste fin pour un coureur qui aurait pu marquer le cyclisme de son empreinte

Pour ses principaux adversaires, cette course marquera aussi un tournant dans leur carrière. Michele Bartoli était à son apogée et voyait le déclin le guetter, incapable de conserver sa double couronne sur la Coupe du Monde. La menace s’appelait notamment Paolo Bettini et se situait dans son propre camp. Bartoli ne réussit pas cette fois-ci à la contrer, sevré de victoires de prestige. Parti se réfugier chez Fassa Bortolo en 2002, il retrouva une seconde jeunesse pour s’adjuger une victoire sur l’Amstel et deux succès consécutifs en Lombardie, complétant un palmarès déjà éloquent. Michael Boogerd terminait quant à lui à une place qui allait lui coller à la peau, la deuxième. En 1999, Boogerd était aussi à son sommet puisqu’il s’imposera sur l’Amstel une semaine plus tard, sa course de prédilection. Ce sera aussi sa dernière victoire d’envergure, le Hollandais accumulant depuis cette saison une impressionnante collection de places d’honneur et asseyant son statut de généreux perdant ne comptant pas les efforts fournis.

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Par CSC_3187

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Re: Liège-Bastogne-Liège 1999, le récital de VDB

Messagepar Khali » 26 Avr 2015, 09:37

Très bel article :o
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Re: Liège-Bastogne-Liège 1999, le récital de VDB

Messagepar CSC_3187 » 26 Avr 2015, 10:09

Vous l'avez déjà vu sur le topic de la course, mais pour le plaisir



On attend avec impatience le même duel épique entre Valverde et Rodriguez cette année. :niais:


La dernière heure de course :
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Re: Liège-Bastogne-Liège 1999, le récital de VDB

Messagepar Florian » 26 Avr 2015, 10:40

Super Article :up
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Re: Liège-Bastogne-Liège 1999, le récital de VDB

Messagepar ptitpascal » 28 Avr 2015, 13:22

Les mecs au sprint dans la redoute :heureux: une autre époque quand même :(

Très bon article :ok:
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