Les pavés oubliés : Les immortels
La lutte contre l’asphalte
Lorsque l’asphalte remplace le pavé, souvent, on ne retire pas les blocs de pierre : on se contente d’étaler le bitume sur l’ancienne voie. Les pavés restent ainsi intacts, alors qu’au-dessus, la chaussée se fissure avec le temps, exposant à nouveau les pavés.
Pour une route majeure, le moindre nid de poule entraînera de rapides travaux pour au moins reboucher. Mais dans les axes mineurs, tels les chemins de campagne, les « trous » restent. Avec le temps, la route se casse se plus en plus. Les voitures y sont rares, mais les engins agricoles, bien plus lourds, permettent aux pavés d’avoir une seconde vie.
On pourrait ainsi, avec la défense moderne des pavés, laisser la route se détériorer avec le temps. Un doux rêve utopiste pour les amoureux des pavés, mais qui est bien réel dans certains cas, comme entre Artres et Préseau, pour un « secteur » qui peut amener les coureurs vers le terrible, mais relativement peu emprunté par Paris-Roubaix Chemin des Postes, aux abords de Valenciennes.
Si ce secteur est bien classé 5 étoiles, la route d’Artres à Préseau n’était pas répertoriée lors de ses derniers passages en 2011 et 2012, elle l’était en 2005, lors du grand chamboulement du parcours du à l’absence de la célèbre tranchée d’Arenberg, étant simplement classée une étoile, ce qui reste généreux, sachant qu’une bonne partie de la chaussée est encore dépourvue de pavé une décennie plus tard.
Néanmoins, la volonté est là de laisser le temps faire son œuvre. A terme, ce secteur pourrait avoir un rôle stratégique à jouer, puisque débutant par une montée de 500 mètres à 5 % et amenant les coureurs à moins de 4 kilomètres du Chemin des Postes, premier secteur classé 5 étoiles lorsqu’il est emprunté, voire même à 1350 mètres d’un autre secteur, qui écarterait les 700 premiers mètres du chemin des Postes pour commencer le pavé dès Préseau, pour une distance totale de 3900 mètres pavés, avec virage à angle droit pour aborder le chemin des Postes, pour ce qui deviendrait le secteur le plus long de l’épreuve, tout en méritant toujours la classification 5 étoiles.
Cette situation n’est pas unique à ce lieu, mais ce secteur Présellois. La même chose se passe à proximité, à Aulnoy-lez-Valenciennes, tout proche de cette zone, offrant une route qui amène elle aussi au Chemin des Postes par une montée, y offrant un carrefour devenu rare de 4 voies pavées.
Même chose à Avesnes-le-Sec, où une zone résidentielle qui était en cul de sac a eu son revêtement un peu laissé à l’abandon. Les fans de cyclisme que nous sommes pourront nous délester de la situation, puisque du pavé moderne a été adjoint avant cette zone, qui est désormais suivie d’un secteur fraichement rénové et emprunté lors du dernier Paris-Roubaix Espoirs.
Les exemples sont nombreux, avec de simples trous non bouchés comme à Sailly, qui peuvent laisser présumer dans un futur encore assez lointain du retour de ce secteur, qui suivait Hem jusqu’aux années 1990, lorsque l’entrée dans Roubaix se faisait par Lannoy. Egalement des chemins dont on aura dans peu de temps du mal à imaginer qu’ils étaient recouverts, comme à Escarmain (on en reparle prochainement). Mais aussi des zones plus urbaines, où laisser le pavé refaire surface force à un ralentissement qui peut avoir un rôle d’utilité publique à proximité des écoles, comme à Avesnes-sur-Helpe.
La lutte contre la nature
L’asphalte n’est pas le seul ennemi du pavé. La végétation peut l’être également. Elle force déjà à une remise en été régulière des pavés empruntés par Paris-Roubaix, nous privant quelques années du Pont-Gibus et même une année de la trouée d’Arenberg.
Si elle est impitoyable avec des cailloux écrasés du tarmac, les faisant être vite oubliés, elle laisse intactes les pierres, même parfois sous plusieurs centimètres d’épaisseur, comme le secteur du Moulin de Vertain à Templeuve, qui était sous une pâture avant sa réhabilitation récente. Ainsi, on peut supposer qu’il existe des pavés sous terre à plusieurs endroits, sans qu’ils soient pour autant portés disparus.
Heureusement, certains pavés se battent et résistent pour ne pas être enterrés, alors qu’une seconde vie peut s’offrir à eux. Un exemple frappant se trouve à Ennevelin. Le nom vous dit peut-être quelque chose, puisqu’il s’agit de la localité traversée après le secteur du Pont-Thibaut, dernier pavé avant la transition par Templeuve jugée trop goudronnée par les suiveurs et organisateurs.
Et pourtant, un pavé est là et bien là. Il ne mesure que 500 mètres, mais permettrait de raccourcir d’autant l’arrivée vers les secteurs de Templeuve, en passant par un autre pavé (certes urbain, mais pavé quand même) dans les rues de la ville. L’oubli de ce secteur d’Ennevelin devient encore plus illogique lorsqu’on regarde aux anciens parcours de l’épreuve, puisque jusqu’au début des années 1990, ce secteur était emprunté.
Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose. Mais plus de 20 ans d’abandon pour un secteur qui était classé 5 étoiles et considéré comme un des pires de l’épreuve. En 1992, lors de la longue échappée victorieuse de Gilbert Duclos-Lassalle, Robert Chapatte ironisait aux commentaires pour lé télévision, que même les tracteurs ne pouvaient pas passer par là. Ils sont désormais les seuls à franchir cette ligne droite de 500 mètres.
D’autres secteurs du genre, pas aussi difficile, mais recouverts par la végétation, il y en a partout dans la plaine de la Pévèle. De la campagne proche de la frontière Belge à Saméon au bassin minier de l’Artois. Des rives de la Scarpe à la métropole Lilloise, on peut en trouver à Marchiennes, Moncheaux, Saméon, Mouchin, Bachy, Avelin… Cette liste est loin d’être exhaustive, d’autant qu’elle peut se poursuivre plus à l’est, dans le pays de Weppes, plus à l’ouest, entre les mêmes champs, mais en Belgique ou dans la forêt de Raismes, plus au nord, de l’autre côté de Lille, ou plus au sud, dans le Douaisis et le Cambrésis.
Et si un cercle de recherche de pavés cachés par la végétation avait à se tracer en partant de la Pévèle et des quelques rares exemples cités, il ne cesserait de s’agrandir. On pourrait y remonter aux voies romaines, renommées depuis chaussées Brunehaut et pavées à plusieurs occasions. Entre ces longues lignes droites ancestrales et les moyenâgeuses reliant les grandes cités, ne restent que des noms et des tracés parfois présents uniquement dans un imaginaire cherchant à relier des rares portions à subsister de nos jours. Mais peut-être qu’en creusant en un peu, au sens littéral, on y trouverait des pavés.
par darth-minardi