Écrit le par dans la catégorie Coup de bordure, Edito.

La première arrivée à l’Alpe d’Huez eut lieu en 1952. Ce fut la première arrivée au sommet de l’histoire du Tour. Pourtant ce qui nous semble aujourd’hui si naturel a été fortement critiqué à l’époque ; dans le journal L’Équipe le chef de la rubrique vélo, Claude Tillet, émit sa frustration de voir une étape de 266 kilomètres réduite à une simple course de côte. « Rien qui n’incite à militer pour des arrivées « en haut » ». Or, aujourd’hui, ces arrivées au sommet semblent plus que jamais présentes : la quasi-totalité des étapes de montagnes s’achèvent aujourd’hui en altitude. Au-delà du changement d’époque, n’y a-t-il pas un abus nuisible à la compétition cycliste ?

Comment réduire une dernière étape à pas grand chose...

Comment réduire une dernière étape à pas grand chose…

Pourquoi la course de côte ?

La raison de la multiplication des arrivées au sommet tient dans un simple mot : télévision. Le cyclisme a toujours eu un rapport privilégié aux médias. Sa dimension épique en a fait un sujet privilégié dans les journaux. Mais pour la télévision, plus que l’épique, c’est le spectaculaire qui prime. La course de côte permet cette concentration des événements à l’inverse d’un cyclisme à l’ancienne plus porté sur la durée et le recours à l’imaginaire. Ce n’est pas un hasard si la première ascension de l’Alpe d’Huez a eu lieu l’année de l’apparition de la télévision sur le Tour.

La course de côte a ses qualités. Les attaques s’y enchaînent, les écarts entre favoris sont quasi-certains et le spectacle à peu près sûr. Les organisateurs ne semblent plus se soucier que d’une seule chose : trouver LA bosse qui fera la différence, celle qui pourra s’imposer comme le nouveau lieu emblématique de la course. Des montées comme le Zoncolan ou l’Angliru en sont de parfaits exemples. Et, de fait, il serait stupide de nier leur intérêt. Il y a toujours une certaine joie à voir évoluer les coureurs sur ces pentes mythiques et leur difficulté rend à priori impossible un escamotage.

Le problème réside dans l’utilisation. La créativité des organisateur semble se faire aspirer par la recherche des dix ou quinze arrivées au sommet que l’on casera dans un grand tour. Peu importe ce que l’on met avant ; il s’agit juste de relier les deux stations, et si l’on passe quelques cols au passage, pourquoi pas. Le but est que tout se joue là, et uniquement là où on l’aura décidé. La dernière ascension est souvent la plus difficile et mieux encore l’arrivée au sommet la plus dure se retrouve malheureusement souvent à la fin : soit la course est déjà décantée et cette ultime ascension se retrouve bâclée (Ventoux 2009, Zoncolan 2014), soit les favoris sont encore proches les uns des autres et ne prennent pas le risque de renverser le général par des attaques à plus de 4 ou 5 kilomètres de l’arrivée, ce qui pour un feu d’artifice final est assez frustrant.

Le prototype d'une course de côte réussie.

Le prototype d’une course de côte réussie.

Militons pour des parcours réfléchis

Prenons le scénario typique d’un grand tour. Deux cas de figure reviennent régulièrement : soit un favori archi-domine la course, soit plusieurs coureurs se tiennent en un temps très resserré. Si un coureur évolue au-dessus des autres, le même scénario se répétera à chaque arrivée au sommet et résultera difficilement d’autre chose que de l’ennui. Il sera toujours plus intéressant de confronter le leader à des parcours beaucoup plus difficilement contrôlables où les adversaires auront bien plus de possibilités d’attaques. Le Dauphiné 2014 a été magnifique justement parce qu’il a par son tracé permit de bousculer la hiérarchie.

Dans le cas d’un classement resserré, l’accumulation des courses de côte peut sembler plus approprié. Sauf que non. D’une part de faibles écarts poussent à l’attaque tardive : le col pourra bien faire 35 kilomètres, les leaders attendront les derniers hectomètres pour s’attaquer (voire moins en cas de bonifications). D’autre part, il faut une chance folle pour tomber sur des adversaires à égalité. Le plus souvent le leader n’a qu’à contrôler la course en suivant les attaques de ses plus dangereux adversaires, pour ensuite les contrer sur le sommet. Un terrain plus varié sera davantage favorable à mettre le leader en difficulté.

Ce n’est pas pour autant qu’il faille renoncer à la course de côte, encore moins à l’arrivée au sommet. Encore faut-il réfléchir à leur intérêt, à leur placement dans la course et aux caractéristiques de la côte finale. Un parcours doit se penser dans son intégralité. La simple recherche de l’ascension finale ne suffit pas. Alors que les retransmissions télévisées s’allongent, que le hors-champ disparaît, il apparaît nécessaire d’allonger la durée du spectacle. Si l’émotion procurée par la densité d’une course de côte doit perdurer, elle ne doit en tout cas plus être la seule proposée par des organisateurs.

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Article rédigé par Bullomaniak – crédit photo ASO, Antoine_Blondin

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