Vuelta 2014. Un plateau somptueux. Froome et Contador, revanchards d’un Tour de France achevé trop tôt. Rodriguez, de retour avec des ambitions, après une blessure contractée sur le Giro. Quintana, qui va tenter le doublé Giro – Vuelta. Et Valverde, son (fidèle ?) lieutenant. Le plateau de l’année. Ne manque que Nibali à la fête, mais le sarde Aru saura être un bon second couteau.
Et pourtant … après deux semaines de Vuelta, j’ai un goût amer en bouche. Celui de la frustration. Celui de la déception. Et ça n’est pas provoqué par l’abandon de Quintana, même si celui-ci est regrettable. Non, la déception provient de ceux qui restent. Ceux qui ont la chance de lutter pour ce que tout leader recherche : remporter un Grand Tour.
Dans ce festival international de la course de côte, tout est plus fade de jour en jour. La perspective d’un affrontement entre grands s’est mue en sprint de 2 km. Valverde, Rodriguez et Contador sont rattrapés par leurs égos. Sur les pentes de La Camperona, Le Pistolero a dégainé son pistolet … à eau. Alors que Froome vacillait sur les forts pourcentages de début d’ascension, les espagnols attendirent. Quoi ? Nul le sait. Deux trois accélérations, suivies de rien. Froome aurait pu être enterré, si ceux qui séparent l’Espagne en trois avaient pris leurs responsabilités. Mais la pente se calmant, le britannique revint à l’avant… et les aligna tous au sprint.
Le spectacle attint des sommets de pathétisme le lendemain, vers le Lago de Convadonga. Atteint d’une soudaine envie de sucer les roues, Valverde et Rodriguez s’accrochaient à Contador à la moindre accélération. Lui était partagé. Que faire ? Attaquer pour éliminer un Froome en difficulté, ou ralentir pour éviter de se faire contrer par ceux qui étaient ses plus proches poursuivants ? Lancés dans une incroyable guerre d’égos, les Grands d’Espagne n’ont pas réalisé que Froome, initialement distancé suite à une énième attaque de Contador, était revenu à porter de tir. Alors seulement, sur un kilomètre, ils ont collaboré.

Le raton se déplace souvent en groupe. Traditionnellement de couleur bleu, comme ici, il en existe aussi des rouges et blancs, reconnaissables par leur petite taille.
Mais suite à l’étape d’hier, reliant San Martin del Rey Aurelio au Lagos de Somiedo, une partie de moi fût satisfaite. Celle qui se délecte de voir « les ratons » crucifiés. Froome a visiblement fini de manger son pain noir. La forme retrouvée, il faisait rouler son équipe, et plaça une de ses accélérations dont il a le secret. S’il tient plus du pélican que de l’aigle d’un point de vue artistique, il est néanmoins un lion dans l’âme. Il n’abdique jamais. Son abnégation les jours précédents lui ont permis de ne quasi rien perdre sur ces opposants. Aujourd’hui il le savait, c’était son jour. Rodriguez et Valverde, tenant eux plus de la moule et de la sangsue, ont été décollés de ses roues avec violence. Seul Contador a suivi, avant de tirer un coup de pistolet dont il a le secret. Ce qui n’a pas décontenancé Froome. Le seul, semble-t-il, à assumer ses responsabilités sur cette Vuelta. Il faut dire qu’au contraire d’un Contador la veille, il n’avait rien à perdre. Mais que l’acte est beau lorsqu’il est assumé. Que c’est plaisant, détendant même, de voir un leader prendre ses responsabilités et rouler après une attaque ! Ne pas se retourner dix fois, simplement foncer, tête baissée (qu’elle le soit vers le SRM ou non) vers la ligne d’arrivée. Même si Contador l’a flingué en vol. Certes les puristes nous diront qu’il n’a pas aidé le britannique de la montée, et que son attaque n’est pas digne des plus grands. Mais qu’importe. Il a saisi cette opportunité. Son gain est, encore, minime sur Froome, et rien n’est encore fait. Quant à Froome, l’objectif n’était pas là. Il n’a pas cherché à distancé Contador. Chaque chose en son temps.
A l’abord de la troisième semaine, je suis désespéré. Que pourra-t-il bien se passer désormais ? Le classement semble plié. Le parcours n’offre que peu d’opportunités. Et nos deux ratons préférés ne seront, à coup sûr, pas à même de faire la lessive pour renverser la tendance. Quant à Froome, aura-t-il les capacités pour renvoyer Contador à la plage ? J’en doute. Alors oui, à l’abord de cette dernière semaine, je le dis haut et fort : vive le Tour of Britain. Pas d’oreillettes, des petites routes merveilleuses, … tout est dit, on y attend pas de la grande bagarre. Non, simplement un cyclisme pur, simple, naturel, presque débridé, où l’incertitude règne. Le redoutable Zardini saura-t-il résister aux rouflaquettes de Wiggins ? Tel est l’enjeu qui va vous tenir, j’en suis sûr, en haleine en cette fin de semaine. Et en plus, c’est diffusé en clair à la télé. Alors n’hésitez pas : zappez.
par vino_93
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