Plusieurs questions se posent à l’aube de cette ultime étape dangereuse. La première se pose dans un contexte général : avec seulement 137 coureurs encore en course, 6 cols au programme, ne reste que deux équipes au complet : Bridgestone et Sky. Qui pour prendre en main l’étape ? Les Orica-Scott possèdent une belle armada (
Jungels,
Rosa,
Dumoulin,
Aru), mais paraissent bien trop court depuis le début du Giro.
Nibali ne possède plus que
Roglic à ses côtes pour l’épauler en montagne.
Kelderman est seul,
Zakarin n’a guère que
Nych. Considération plus personnelle, l’équipe craint quant à elle que
Nishizono et
Kuboki ne parviennent pas à passer l’étape…Mettre le feu aux poudres pour espérer faire vaciller le maillot rose ou préserver ses forces pour terminer ensemble ?
Avant même le pied du Colle San Carlo (11.4 kms – 8.7%), c’est une fuite en avant qui s’opère chez les meilleurs grimpeurs du peloton.
Okamoto (BGT) est le premier à tenter, avant que
Formolo (ALM) puis
Carthy (SKY) n’essayent à leur tour de prendre la poudre d’escampette. Cependant, rien n’y fait, et c’est sur un rythme effréné, groupé, que le peloton entame les premières pentes de la journée.
Guardini (CDT) est le tout premier lâché, sous l’impulsion de…
Meintjes (CDT) ! Avec 150 points à distribuer aujourd’hui,
Martinez (GAZ) sort à son tour, son retard au maillot Azzurro atteignant précisément cette somme !
Okamoto, carbonisé par les efforts produits dans la plaine, en vain, ne peut pas le suivre, et c’est donc
Amador (BGT) qui sort à son tour afin de protéger le maillot de son coéquipier. La tension est palpable également dans le peloton, réduit comme peau de chagrin. Au sommet, plus d’échappée ni même de peloton, réduit à une
vingtaine de coureurs seulement ! Le Petit Saint-Bernard (12 kms – 6.1%) est entamé dans la foulée par le groupe des favoris, presque sans équipiers, ou s’ils sont présents, trop hagards pour rouler. C’est sous une averse blanche de neige que
Narvaez prend ses responsabilités, face à face avec les autres leaders, et produit une violente accélération à plus de
180 kilomètres de l’arrivée !
Nibali est le premier à répondre, mais perd
Roglic sur cette offensive. Derrière, les autres leaders,
Zakarin en premier, se suivent un à un, en file, asphyxié par le rythme produit par
Narvaez.
Majka,
Kragh Andersen,
Martinez,
Quintana,
Formolo,
Landa mais également
Grmay et
Amador sont lâchés à plus de 6 kilomètres du sommet. Alors que
Carthy profite d’un très léger moment de flottement pour sortir,
Narvaez en remet une couche et fait craquer
Kelderman (TOM), 3e du général, à 4 kilomètres du sommet !
Tout en haut du Saint-Bernard, avec les flocons pour ennemis, dans le brouillard, ne reste que 5 coureurs :
Narvaez,
Nibali,
Zakarin,
Chaves et
Hasharotov.
Kelderman est en perdition, à plus d’1’30’’ au sommet. Profitant cependant d’un moment de temporisation bienvenue, il parvient à rentrer au pied de l’Iseran (33.8 kms – 4.5%), toit de ce Giro.
Carthy et
Meintjes y retournent une nouvelle fois pour prendre 2 minutes d’avance pour la suite de l’Iseran, où aucun autre mouvement n’est visible, si ce n’est un retour de l’arrière de
Grmay et
Amador. Au pied du Mont Cenis (8.5 kms – 6.5%), le groupe favori est désormais constitué de 22 éléments, et voit Ulissi puis Martinez prendre à leur tour la tangente. Si
Grmay lâche puis parvient à rentrer dans la descente, l’ascension est cependant de trop pour
Jungels (ORS), qui lâche définitivement prise.
Désormais, le Colle delle Finestre (21.4 kms – 7.7%) et sa mythique partie empierrée se dresse face aux rescapés.
Grmay et
Amador viennent instantanément se porter en tête du groupe afin de le tracter et de l’étirer. Une fois ce travail de sape accompli,
Narvaez repart à l’assaut, reprend le duo
Meintjes-Carthy en déroute, mais se fait reprendre à l’entame de la partie non-goudronnée, le tout saupoudré d’une fine pellicule floconneuse. Pour autant, personne n’a la force d’accélérer, tout le monde est au rupteur après 3 semaines intenses de course. C’est à 12 qu’ils franchissent le sommet du Finestre pour basculer vers la station olympique de Sestrières (14 kms – 3.9%).
Atapuma (BOH) profite du temps concédé pour échapper au marquage et sort tranquillement au début de la montée. A 6 kilomètres de la ligne,
Hasharotov (WIL) accélère à son tour, suivi par
Zakarin,
Nibali, puis l’ensemble des favoris. S’opère alors un sprint entre le russe et l’italien pour rattraper
Atapuma, qui leur résiste de justesse.
Narvaez vient mourir sur leurs talons, sans pour autant reprendre suffisamment de temps à
Kelderman pour monter sur la boîte, et ce malgré la craquante du néerlandais dans les derniers kilomètres.
Grmay et
Amador, 24e et 25e de l’étape, termine au-delà de la demi-heure. Plus d’1h45 après le passage du locataire de la Bora-Hansgrohe,
Nishizono, 88e de l’étape, en termine à son tour, premier des hors-délais, recalé pour moins d’une minute. 20 minutes plus tard,
Kuboki en termine également. Au total, ce sont
53 coureurs qui ne termineront pas la journée, portant à
85 seulement le nombre de ceux qui boucleront, demain, ce Giro.