J’y vais de mon petit bilan. Je ne rentrerai pas dans le débat de savoir quel a été le meilleur des 3 GT cette année, j’ai finalement apprécié les 3 qui ont, chacun, proposé des configurations différentes. J’ai forcément plus de mal avec le parcours de cette Vuelta, mais compte tenu de celui-ci je trouve que les coureurs ont été à la hauteur et ont, dans leur grande majorité, assumé et fait ce qu’ils avaient à faire. C’est quand même malheureux d’avoir autant de montées sèches et de muritos aux pourcentages extrêmes. C’est télégénique mais ce n’est vraiment pas le genre de montée que je préfère, sportivement l’intérêt étant très limité. On a frôlé l’overdose sur cette édition et je suis bien content que les deux plus belles ascensions finales aient été Covadonga et Naturlandia. J’espère qu’on n’ira pas plus loin dans la proposition de ce genre d’ascension extrême car on est déjà dans la surenchère. Quand on voit la hiérarchie du dernier week-end je regrette qu’il n’y ait pas eu ne serait-ce qu’une seule étape à enchaînement de cols en plus.
Côté course, Yates a encore une fois assumé son statut. Il s’impose comme le meilleur grimpeur de la saison en remportant son premier CG de course par étapes en carrière. Depuis sa victoire sur la Vuelta 2016 il se plaçait comme un des tous meilleurs chasseurs d’étapes de sa catégorie. Il a franchi le niveau suivant ce mois-ci. J’ai beaucoup apprécié sa course d’une manière générale, très intelligente et très bien menée même si j’ai du mal à comprendre son move du dernier jour dans le 3ème catégorie. C’était particulièrement risqué d’emmener Mas avec lui de la sorte. Mais c’est passé en gérant bien la dernière montée.
J’ai un peu de mal à comprendre certaines critiques et remarques sur son niveau anormalement haut alors qu’il n’a jamais vraiment dominé la course comme il a pu le faire sur les 15 jours du Giro. Hormis à Naturlandia je n’ai jamais eu le sentiment qu’il était le plus fort. Le plus régulier oui, mais il a toujours trouvé un mec au-dessus lui. Il a surtout été très bien géré les situations de course et profité des séquences de marquage. A Alfaguara il prend 25 secondes presque gratuitement en sortant tôt et en profitant du marquage et de la course étrange des Movistar, à la Covatilla il est assez nettement dominé par les trois Colombiens et Keldy, à la Camperona c’est Quintana le plus fort et sa victoire du lendemain à Les Praeres est avant tout le fruit d’une meilleure gestion de l’effort que Superman et Quintana. Ensuite à Covadonga il plafonne assez vite derrière Pinot et n’arrive pas à boucher les 10 secondes. Et enfin sur la dernière semaine il est dominé au Balcon de Bizkaia (où les bonifs lui étaient pourtant promises
) puis sur la dernière étape Andorrane. Bref, une course rondement menée mais pas de performance ahurissante ni de domination outrancière.
J’ai aimé la course de Lopez qui a, cette fois, assumé individuellement et collectivement. Je crois qu’on ne parle pas assez de sa dernière étape mais ce qu’il fait est réellement très très fort. Il s’est découvert tôt et a pris beaucoup de risques. Il n’y a pas la victoire au bout mais quand même un beau podium magnifiquement décroché. Si Pinot avait sorti une telle étape on se serait beaucoup enflammé et là j’ai l’impression que ça passe quasiment inaperçu. Pourtant ça restera à mon sens comme un des plus beaux mouvements de l’année en montagne. Je l’avais mis comme favori numéro un. Le parcours ne lui était finalement pas très favorable et Quintana s’est pas mal focalisé sur lui. Je me dis quand même avec la dernière étape que je n’étais pas si loin de la vérité que ça. J’ai le sentiment qu’il aurait été le principal bénéficiaire d’une grosse étape de montagne en plus.
A côté de ça les Movistar se sont plantés dans les grandes largeurs, incapables de désigner un leader avant la dernière semaine et de rouler de manière coordonnée. Et lorsqu’ils l’ont fait, ils se sont trompés. Ils ont beaucoup œuvré pour le spectacle les deux derniers jours mais c’était complètement à l’envers. Ils ont couru pour Valverde comme ils auraient dû courir pour Quintana, en plaçant la course sur la filière longue. C’est incompréhensible. Si l’idée était de faire gagner Valverde, il fallait jouer sur ses qualités de finisseur : endormir le peloton, jouer groupés et lui permettre de jumper dans le final. Tout l’inverse de ce qui a été décidé en roulant collectivement de loin puis en envoyant Quintana les deux fois en éclaireur. Très bien pour le spectacle mais totalement inapproprié pour atteindre l’objectif. D’une manière générale je ne comprends pas pourquoi ils ont tenu à garder Valverde dans le jeu aussi longtemps. A Covadonga il a déjà montré des signes de lassitude et un aperçu de la débâcle du dernier week-end qui ne lui correspondait pas du tout. Quintana a perdu le leadership au Balcon de Bizkaia. Mais à ce moment-là de la course il aurait déjà dû avoir bien plus d’avance que ça sur son équipier et son résultat moyen cette journée-là n’aurait pas dû changer leur plan. Je ne pense pas qu’il aurait pu gagner la Vuelta mais il restait le mieux armé pour performer sur les deux dernières étapes de montagne. Le sacrifier de la sorte en fin de course et ne pas le mettre, au préalable, plus en avant dans la stratégie d’équipe est incompréhensible et me donne surtout l’impression que l’Espagnol détient les clés de l’équipe et que le Colombien se retrouve finalement assez bridé. Je l’ai souvent moqué mais j’ai un peu de peine pour lui dans le déroulement de cette Vuelta et dans le message que lui a renvoyé son équipe.
Big up évidemment à Pinot qui a envoyé du rêve sur trois étapes et parfaitement posé les bases d’une belle fin de saison en traversant ces trois semaines libéré de toute pression. Il va pouvoir bien surcompenser sans trop décompresser car je ne pense pas qu’il y ait laissé trop de jus mentalement. Tactiquement il s’est un peu planté sur son escapade de la 11ème étape, par contre ces deux victoires d’étape c’est du velours. Il sort quand il faut les deux fois, collabore quand il faut avec Yates, produit ses efforts au bon moment, profite du marquage et des enjeux. Il était très fort à chaque fois, mais a parfaitement maîtrisé et analysé les situations de course pour faire ce qu’il avait à faire sans se disperser. C’était royal. J’ai hâte de le voir aux Mondiaux, même si je crains la stratégie foireuse, et encore plus en Lombardie. Pas sûr qu’il y ait un coureur du peloton plus motivé que lui pour cette course et avec une équipe théoriquement aussi forte pour l’accompagner.