9 septembre 2016, Dunchideock, UKBRIEFING | Stage 6 - Sidmouth › Haytor, Dartmoor ; 149 km
Les mètres défilent lentement les uns après les autres. Mes yeux irrités par la sueur, à la recherche d'un échappatoire quelconque, fixent tour à tour les signes sur la route, les spectateurs et la roue du Movistar devant moi. Wout et Roche sont quelques hectomètres devant nous, bataillant pour la victoire d'étape. Je m'accroche comme je peux, serrant les dents tel un guerrier avec son couteau, appuyant chaque coup de pédale qui me raccroche du sommet. A la nuance près que mon arme du jour est un bijou de design italien ultra-léger.
La fameuse côte de Dartmoor. Là où Yates s'était fait un nom. Là où j'espère écrire le début de ma légende. Je pense à ça en m'accrochant. Je n'entends plus rien, les encouragements du bord de la route ne sont qu'un brouhaha confus. Je ne peux pas lâcher, pas maintenant. C'est ma montée, c'est là que je dois briller. Et personne ne m'arrêtera. L'acide lactique brûle lentement mes cuisses alors que l'on passe sous la flamme rouge. Je ressens une douleur intense dans la bouche, je viens de me mordre la langue.
L'oreillette décollée claque à chaque balancement de tête contre ma nuque. Je perçois de temps en temps des parties de phrase, ordre donné par le directeur sportif à l'un de nous. Pas besoin de ça pour faire tourner les jambes. Je ne me retourne pas, calquant ma course sur mes impressions avant tout.
Finalement la fin du calvaire, la délivrance : le sommet. Mon groupe de cinq en termine à une trentaine de secondes du vainqueur, mon leader, Wout Poels. Super pour lui, je suis beaucoup trop lessivé pour y penser. La bouche grande ouverte à la recherche de la moindre trace d'oxygène, un sprint assis particulièrement hideux me permet probablement d'accrocher la dixième place. Moment où mon corps choisit de lâcher, m'abandonnant sur le bas côté de la route une fois la ligne franchie. Je suis encore sonné par l'effort consenti, et plutôt satisfait je pense. L'adrénaline du finish laisse place à l'endorphine du repos.
Mais le regard noir de mon directeur sportif, qui s'approche à grand pas de moi quelques minutes plus tard, me laisse penser que le pire est à venir. La joie ne sera pas au programme, une nouvelle fois, dans la vie du jeune Pete Walsh.