Ce dimanche 7 janvier, le polonais
Michal Kwiatkowski s'est imposé à Audenaarde, se jouant de
Peter Sagan dans un duel haletant. Déjà bourreau du slovaque sur Milan-San Remo 2017, le polonais de l'équipe Sky double sur ce monument flamand, lui qui n'avait jusque là triomphé que sur sa petite sœur : l'E3 Harelbeke. Récit d'une course complétement folle avec un vainqueur complètement fou.
Au départ d'Antwerpen,
Michal Kwiatkowski maillot de Champion de Pologne sur le dos, ne pouvait pas imaginer l'épilogue de ces 260 kilomètres, il nous confiait même espérer un top 10 avec ces conditions. En effet au départ de la ville portuaire les températures dépassaient à peine les 5°C qui étaient annoncés dans les monts flamands.
Contrairement à
Kwiatkowski,
Peter Sagan, lui avec son maillot slovaque, était plutôt confiant au départ, blaguant avec ses coéquipiers et avec son chat noir enfin vaincu
Greg Van Avermaet, les deux grands favoris de cette édition. En faisant le tour des fans amassés au départ, les noms les plus donnés comme vainqueur étaient
Greg Van Avermaet et
Tiesj Benoot, esquivant facilement le cas de l'ogre slovaque qui est évidemment dans les pensées de tous les fans.
Le Départ est finalement donné sous les cloches d'Antwerpen qui vit son deuxième départ, dans le départ fictif les sourires sont de mise sur les visages, en roulant, ils vont enfin pouvoir se réchauffer.
Comme toujours, on ne fait pas dans le repos sur les terres flamandes, l'échappée met bien du temps à partir, les villages sont traversés à une vitesse vertigineuse, 52 kilomètres sont parcourus dans la première heure et contrairement à Milan-Sanremo personne ne souhaite se calmer. Nos pensées allaient aux habitants de Hamme, Berlare, Sankt-Niklaas ou encore Aalst qui voyaient passer devant eux une locomotive à deux étages : une échappée avec une courte avance sur un peloton le plus souvent mené par des maillots bleus et oranges. Car, en effet des coureurs parvenaient quand même à sortir de temps en temps, notamment
Juul-Jensen et
De Ketele par deux fois à l'avance de la course, les accompagnateurs étaient le plus souvent des hommes de main de
Sagan,
Van Avermaet et
Vanmarcke, trois leaders très discrets en ce début de course.
Il faut attendre l'amorce des premiers secteurs pavés pour voir l'échappée sortir avec l'approbation des capitaines de route de chaque équipes, c'est dans Erpe-Mere que sont sortis les sept hommes qui vont animer une grande partie de la course :
Morkov,
Gougeard,
Erviti,
Ermenault,
Bauer,
De Bie et
Van Hecke. 7 bons rouleurs forcément vu les efforts à fournir pour sortir de ce peloton déchainé. On aura aussi noté l'absence de représentant de grandes équipes, sauf si l'AG2R est considérée comme telle.
Avec ce départ de l'échappée commence une courte période de repos dans le peloton, on se remet à discuter, du froid, de la vitesse du départ de la course, des favoris et surtout des fans toujours plus nombreux.
Rentré dans le Paddestraat finit le repos, les premières chasses débutent, toujours protégé par sa bonne étoile
Vanmarcke est le premier à tester le retour sur le peloton, frôlant la chute après une crevaison, c'est tout de même sourire sur les lèvres qu'il revient accompagné du jeune
Julius Van Der Berg. On aura aussi vu les mésaventures de
Politt et
Küng dont les pneus semblaient réticents aux pavés. Contrairement à certaines prévisions les pavés sont parfaitement secs, plus humidifiés depuis le vendredi soir, une certaine poussière se dégage même du passage des voitures.
Passé le ravitaillement de Melden, on rentre rapidement dans les monts flamands, avec 4 minutes d'avance l'échappée attaquait le premier mont de l'édition : le Oude Kwwaremont, plein à craquer comme à son habitude avec des milliers d'amoureux du cyclisme venus affronter le froid et voir leurs héros passer devant eux.
Les monts débutent et on commence à établir une hiérarchie dans l'échappée :
Corentin Ermenault est le plus motivé, il passe au sommet en tête en portant ses coéquipiers d'échappée. Dans le peloton la Bora commence à s'exciter en plaçant
Juraj Sagan à l'avant de la course.
Les monts commencent à s'enchainer, citons le Wolvenberg, le Kortekeer et le Leberg, trois monts où les moins bien placés ont dû faire l'effort pour revenir sur l'avant de la course à cause des ralentissements, c'est le cas de
Gilbert souvent mal placé.
Au pied du Berendries le Ronde s'emballe :
Wout Van Aert touche une roue devant lui et chute, emmenant avec lui une bonne partie du peloton, provoquant l'abandon de
Politt,
Cort-Nielsen et
Vanmarcke parmi les favoris mais aussi l'abandon de nombreux équipiers.
Avec la chute massive le peloton abandonne sa poursuite de l'échappée qui lui avait permis un retour autour de la minute, on attend ceux qui ont chuté et principalement
Wout Van Aert qui a le coude droit en sang.
Une fois le second peloton rentré c'était au tour du Tenbosse d'être avalé, et cette fois c'est grand train, visiblement soucieux de faire partie de la course les sky se lancent dans les grandes manœuvres :
Salvatore Puccio propulse ses coéquipiers
Luke Rowe et
Gianni Moscon à l'attaque, les hommes de la Sky ne sont pas seuls dans le coup,
Garcia Cortina,
Kuznetsov,
Meurisse,
Edmondson,
Kragh Andersen,
T. Martin,
Vermote,
Keukeleire et
Bak ont suivis le mouvement au sommet.
Inutile de préciser que la situation urgeait à la sortie de ce mont asphalté, chacun des leaders prenaient connaissance des hommes partis à l'avant et directement
Sagan,
Van Avermaet et
Stuyven se mettaient d'accord pour envoyer des hommes à l'avant du groupe en voyant les regards satisfaits de
Benoot et
Valgren tous deux bien avantagés par cette situation. Malheureusement pour le slovaque l'entente n'est pas très bonne à l'avant du peloton, contrairement au groupe des Sky qui tourne admirablement bien en revenant sur l'avant de la course où
Bauer et
Gougeard ne tournent plus pour attendre des précieux renforts. On approche alors du Kappelmuur où l'édition 2017 avait complétement été renversée.
Avec 30 secondes d'avance sur les poursuivants au pied et une minute de plus sur le peloton, l'échappée se disloque dès l'entrée dans Gerardsbergen,
Bauer et
Gougeard attendent en compagnie de
Preben Van Hecke plus malins que les autres et surtout
Ermenault qui produit un gros effort devant des fans conquis par le courage du jeune français qui passe seul en tête. La jonction entre le trio de patient et les poursuivants est donc faîte au sommet. Dans le peloton les premiers équipiers s'écartent définitivement.
Jonction complète en tête de la course un peu après le mur, avec une minute d'avance sur le peloton on trouve donc un groupe de 18 coureurs bien dangereux, ce qui amène le peloton à se démener pour au moins stabiliser l'écart. Cette longue période de transition entre Gerardsebergen et le Vieux Quaremont, plate se résume donc à un duel où on voit plusieurs équipiers se présenter avec toute la motivation du monde à l'avant du peloton, puis se regarder et perdre à nouveau du temps, assez rageant, d'autant plus qu'à l'avant on ne chôme pas.
Lars Bak tire sur la plaque et impressionne tout son monde, y compris
Ermenault qui en rigole avec
Gougeard en queue de groupe. Même le Kanarieberg dans les rues de Ronse est avalé prodigieusement vite, cette fois c'est
Kuznetsov qui a fait la côte en tête, lui ancien podium du Gent-Wevelgem désormais sans leader.
Sans surprises les 40 kilomètres entre les difficultés principales sont avalés bien rapidement donc, le peloton au pied du Vieux Quaremont est déjà revenu dans la minute, même proche des 30 secondes grâce à un énorme travail de
Adrien Petit très puissant. Rentré dans la difficulté pour la deuxième fois on voit
Luke Rowe décrocher du groupe, on pense un moment le gallois fatigué comme
Ermenault ou
Van Hecke qui ne tiennent pas sa roue, mais le coureur de la Sky se retourne et parle à l'oreillette, quelque chose se passe. Et en effet il se passait quelque chose, au pied, quand le peloton est le moins vigilant l'agile polonais sort du bois. Tout seul il a fait un léger trou avant d'entamer la difficulté, mais alors que certains pensaient déjà à un suicide étant donné son attaque solitaire,
Stybar,
Pedersen,
Mohoric et
Van Keirsbulck sortent aussi. Un temps bloqué
Peter Sagan met du temps à réagir, le slovaque accélère mais les fuyards ont déjà pris des précieux mètres, cela permet une première sélection mais en aucun cas un retour, il va falloir à nouveau s'organiser.
Sagan a beau chercher des renforts il n'en trouve pas,
Van Avermaet,
Benoot,
Valgren et
Stuyven lui font remarquer qu'à l'avant ils ont un homme ou plusieurs dans lequel ils ont pleine confiance. C'est vers
Terpstra que se tourne donc
Sagan, mais le néerlandais vient de perdre
Calmejane sur crevaison. Ses seuls soutiens seront les maigres
Bystrom et
Erviti revenus dans la descente.
Timing parfait pour la Sky,
Kwiatkowski désormais en compagnie des autres fuyards du Vieux Quaremont retrouve
Luke Rowe au sommet du Paterberg où
Tony Martin est passé un peu plus tôt bien détaché. L'allemand nous fait un numéro dont il a le secret, roule seul en tête en position de contre-la-montre mais on n'en voit pas bien l’intérêt car derrière on s'organise : exit
Bak c'est
Rowe qui lui vole son rôle et qui fait grimper le chronomètre. L'effort permet au moins à
Martin de rentrer seul dans le mythique Koppenberg, 10 secondes devant un groupe pratiquement pleinement reconstitué (seul
Meurisse manque à l'appel). Le peloton emmené par les Bora passe à une minute du groupe
Kwiatkowski.
Les passages à plus de 20% du mont pavé sont déjà rédibitoires pour
Luke Rowe et tous les membres de l'échappée matinale, rajouté en plus une accélération de
Mohoric qui casse définitivement le groupe, au sommet en tête on retrouve un petit groupe :
Martin, Mohoric, Meurisse, Pedersen, Stybar, Kwiatkowski, Moscon, Kragh Andersen. Derrière c'est déjà perdu vu les efforts de
Gianni Moscon.
Dans le peloton aussi ça bouge :
Sagan met enfin une vraie attaque, violente, tranchante, sur les passages les plus raides, nombreux sont ceux qui craquent, au sommet le slovaque nous a fait un prodigieux tri :
Van Avermaet, Benoot, Terpstra, Benoot, Gilbert, Stuyven, Valgren, Naesen, Langeveld, Küng, Roelandts, Valverde et Van Der Poel sont les seuls leaders qui survivent dans sa roue.
L'attaque est en plus doublée dans le Taaienberg un peu plus loin, ceux qui avaient eu la bonne idée de revenir dans le Mariaborestraat comme
Nibali et
Kristoff sautent de nouveau, de même pour
Van Aert qui abandonne même. Cette fois l'attaquant c'est
Van Avermaet qui perpétue la tradition belge dans le mont, le belge ayant bien compris que son équipe avait course perdue sans lui. Au sommet le groupe de leader semblait définitif, et ayant compris les leçons de l'an dernier, le groupe tourne plutôt bien.
L'écart reste autour des 30 secondes car même si le groupe des leaders tourne plutôt bien on garde des éléments perturbateurs comme
Gilbert,
Stuyven,
Gilbert et
Küng. Devant même la présence de
Moscon et
Kwiatkowski ne semble pas choquer les autres membres de l'échappée, l'italien reste le principal rouleur à l'avant. Comme d'habitude cette partie pré Kruisbergen est très tactique, les leaders récupérent des éléments comme
Keukeleire et
Vermote et contrairement à ce qu'on pouvait penser l'alchimie qu'il y avait dans le groupe explose,
Sagan et
Van Avermaet ne jugent plus utile de rouler et l'écart grimpe de nouveau.
En deux temps, le Kruisberg dans les rues de Ronse voit
Moscon lâcher totalement ses coéquipiers d'échappée, image qui rappelle le Tour de France. Cependant le groupe n'explose pas, malgré la partie pavée les coureurs continuent de tourner, sûrement tous sûrs de leur force. Dans le groupe des leaders c'est à nouveau la bataille, après une maigre attaque de
Terpstra c'est
Valverde qui contre, accompagné du suisse
Küng bien puissant à la sortie des pavés. Le sommet est d'ailleurs trop difficile à l'avant pour
Meurisse, échappé depuis le début de course.
On approche désormais des deux dernières difficultés du Tour des Flandres. 40 secondes pour le groupe à l'avant avant d'entamer le final, dès l'entrée le rythme s'accélère, porté par ses fans
Keukeleire se met à l'avant,
Mohoric craque complétement, plus nuancé pour
Martin et
Stybar qui décrochent sans lâcher définitivement, on retrouve donc
Keukeleire,
Pedersen et
Kwiatkowski à l'avant après la partie la plus pentue.
Derrière aussi et surtout on accélère,
Valgren passe à son tour à l'attaque,
Valverde et
Küng sont vite repris et cette fois une nouvelle différence est faite :
Benoot,
Valgren,
Sagan,
Naesen,
Van Der Poel,
Valverde,
Van Avermaet,
Terpstra et
Gilbert survivent. Devant
Keukeleire lâche dans la partie finale du Vieux Quaremont, il faudra attendre le Paterberg pour une sélection finale alors que l'écart entre la tête et le groupe des leaders doit être de 10 secondes.
Le plus dur pour la fin, les jambes brûlent alors qu'on n'a pas encore attaqué les pavés,
Pedersen et
Kwiatkowski sont côtes à côtes à l'entrée et déjà on voit la silhouette de
Sagan qui mène le groupe derrière. Bouche ouverte
Kwiatkowski réussit à mettre en difficulté
Pedersen qui d'un coup pédale avec ses épaules, et voit le dépasser l'attaque ultra violente de
Sagan qui part tout seul. Derrière
Van Avermaet,
Naesen et
Benoot sauvent les meubles, il va falloir chasser.
En bas du Paterberg c'est fait :
Kwiatkowski a visiblement attendu le slovaque, les deux qui se connaissent très bien collaborent parfaitement car ils aperçoivent encore
Van Avermaet,
Benoot,
Naesen et
Pedersen devant les motos Mavic. La chasse est belle, presque équilibrée en nombre mais équivalente en puissance
Sagan fait une grande partie du boulot, derrière le danois ne tourne pas et peine à tenir les roues du trio belge.
Gêné par la présence insistante de
Kwiatkowski dans sa roue
Sagan tente l'attaque sur un relais du polonais, le slovaque montre toute sa puissance mais le polonais a été réactif, il tient à quelques mètres et profite de l'aspiration pour revenir dans la roue sous les applaudissements à la fois de Audenaarde et du Vieux Quaremont. A 3 kilomètres de l'arrivée c'est compris, la victoire va se jouer devant, le duo continue de creuser sans tout donner. Le vainqueur nous le connaissons tous, c'est
Kwiatkowski mais il est difficile de comprendre comment le polonais a battu le slovaque dans ce sprint. Devant les écrans personne ne croyait en l'exploit du leader de la Sky. Laissant
Sagan gérer le sprint, en se plaçant du côté des barrières, le polonais se blottit complétement dans la roue, lui qui a fait moins d'effort dans le final attend le dernier moment pour sortir dû au vent de face. Le slovaque lance aux 300 mètres, une folie vu les efforts concédés, un temps surpris
Kwiatkowski revient dans la roue, patiente, et déboite, il reste 75 mètres,
Sagan se lève mais rien à faire
Kwiatkowski est plus frais, il peut largement lever les bras et savourer, sa plus grande victoire !
Arrivé plus loin
Van Avermaet complète le podium au sprint devant
Naesen,
Benoot et
Pedersen, bien plus loin
Terpstra arrive seul, visiblement surpris par le nom du vainqueur.
A 28 ans, le meilleur résultat de
Kwiatkowski sur le Ronde était une 27ème place mais le polonais a déjà montré sa vaillance sur les pavés flamand en jouant avec
Vanmarcke et
Sagan sur le Ronde 2016 et en remportant la même année la petite sœur de la course flamande : le GP E3 Harelbeke.
Classement :1 :
Michal Kwiatkowski /
2 :
Peter Sagan +0"
3 :
Greg Van Avermaet +27"
4 :
Oliver Naesen +27"
5 :
Tiesj Benoot +27"
6 :
Mads Pedersen +29"
7 :
Niki Terpstra +1'03"
8 :
Michael Valgren +1'17"
9 :
Mathieu Van Der Poel +1'35"
10 :
Jürgen Roelandts +1'35"
11 :
Jasper Stuyven +1'35"
12 :
Jens Keukeleire +1'35"
13 :
Philippe Gilbert +1'56"
14 :
Sebastien Langeveld +1'56"
15 :
Soren Kragh Andersen +2'23"
16 :
Alejandro Valverde +2'31"
17 :
Stefan Küng +2'48"
18 :
Matej Mohoric +2'48"
19 :
Zdenek Stybar +3'02"
20 :
Xandro Meurisse +3'02"
21 :
Jens Debusschere +3'25"
22 :
Tony Gallopin +3'36"
23 :
Lars Boom +3'52"
24 :
Valentin Madouas +4'01"
25 :
Vincenzo Nibali +4'01"