Cinéma

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Re: Cinéma

Messagepar Nifa » 12 Fév 2024, 10:03

Murungaru a écrit:Je préfère assez largement le premier The Raid au second, trop esthétisant. Le premier à un côté plus brut de décoffrage, plus naturel.

Sinon il me semble qu'une grosse partie de l'équipe des The Raid est aussi derrière The Night Comes for Us, bien foutu, mais que j'avais trouvé trop violent, ou trop complaisant avec sa violence en tout cas.



Faut que je le revois, je l'ai vu y a fort longtemps et ma copine ne l'a pas vu. Mais de mémoire, j'avais trouvé ça un peu trop foutraque.


(au passage désolé pour les fautes, quand j'écris de longs textes sur le téléphone, c'est la foire)

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Messagepar Panzer » 12 Fév 2024, 10:38

Pauvres créatures (2023 de Yorgos Lanthimos)
Je suis partagé, car j'ai passé un bon moment devant ce film autour d'Emma Stone dans un rôle mi-Frankenstein mi-Candide. J'ai trouvé que le concept était très original et créatif, avec des acteurs très convaincants, de très beaux costumes et un décor assez envoutant malgré l'abus de CGI. Il y a une critique du patriarcat, que j'ai trouvé globalement très pertinente, notamment celle contre le personnage de Ruffalo. C'est d'ailleurs très en phase avec l'actualité du moment et tous ces prédateurs dans le monde du ciné, qui utilise leur pouvoir sur des jeunes filles/femmes pour des relations asymétriques. Ca visait très juste.

Mais je suis resté un peu sur ma faim ensuite, avec une vision du féminisme, de l'émancipation des femmes qui m'ont parfois laissé perplexe. Je pense notamment au traitement de la prostitution, qui a abouti à la citation "mon corps est mon propre moyen de production" :lol: :cry: D'autres passages m'ont aussi interrogé même si je sais bien que le film va dans l'absurbe et qu'il n'est pas à prendre au sérieux.

Le film se veut être un conte philosophique mais en dehors de quelques allusions creuses (on place le terme socialiste 2-3 fois pour faire bien), on voit surtout l'évolution du personnage à travers le sexe.

Conspiration (2001 de Frank Pierson)
Film revient sur la réunion nazi qui a débouché sur la solution finale. Un huit-clos cynique façon 12 hommes en colère comme j'ai pu le lire ailleurs. Je m'attendais à voir un film Allemand, déçu de voir que ce film était en anglais, ça rend le fil des discussions moins crédibles.

City of Life and Death (2009 de Chuan Lu)
Un film sur le "massacre de Nankin", j'en avais vu quelques-uns mais réalisés par des Occidentaux en mettant en avant des personnages Occidentaux. C'est bien d'avoir cette version chinoise, qui met en avant des personnages Chinois mais aussi Occidental et Japonais, en donnant un regard non stéréotypé de ces derniers. C'est surprenant de voir un film Chinois sur ce sujet aussi mesuré et qui ne tombe pas dans cette propagande anti-japonaise. C'est un film sans personnage principal, sans héros, sans triomphalisme et sans gagnant à la fin. Juste avec une série de personnages touchés et ravagés par la guerre. Il n'y a jamais de vainqueur dans une guerre.

Midsommar (2019 de Ari Aster)
Dommage d'avoir un film avec une si bonne introduction, une atmosphère aussi unique, qui finit avec une dernière heure aussi affligeante. On passe d'un potentiel film XXL à un film proche du navet. :niais:

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Messagepar Murungaru » 12 Fév 2024, 10:55

Panzer a écrit:Midsommar (2019 de Ari Aster)
Dommage d'avoir un film avec une si bonne introduction, une atmosphère aussi unique, qui finit avec une dernière heure aussi affligeante. On passe d'un potentiel film XXL à un film proche du navet. :niais:


Tellement d'accord :love: :love:
Scène d'intro superbement macabre. Final totalement grotesque. Sans mauvais jeu de mot, la chute est brutale :niais:

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Messagepar ninteo » 12 Fév 2024, 11:07

Perso j'ai adoré midsommar, surtout la fin qui m'a fait vraiment très peur et qui me semble bien dans la continuité du début :love:

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Messagepar Leinhart » 12 Fév 2024, 11:16

Team grand film pendant 90 minutes puis film grotesque pendant une heure également

Nifa a écrit:Pauvres créatures : Vous avez déjà dit beaucoup de choses dessus, et je suis plutôt d accord avec vous. J'ai adoré, Lanthimos se révèle définitivement comme un des meilleurs cinéastes actuels (je n avais pas aimé Canine, mais j'ai aimé tous le reste). Un Candide sombre, presque gothique mais toujours absurde (je suis le seul à avoir trouvé des éléments de mise en scène faisant penser à Wes Anderson ?!). Leinhart tu disais que le film avait quelques facilités parce que film tourné vers le grand public. Je ne suis pas certain qu'on puisse qualifier ce film de grand public, même si clairement Lanthimos a fait des efforts d ouvertures quand on compare avec ses œuvres précédentes. Bref, seulement vu 2 films au cinéma pour l instant mais deux excellents.


Pour moi, même s'il y l'écrin du film d'auteur, c'est un film 100% grand public (ou en tout cas qui vise à attirer autant les cinéphiles que le grand public), que ce soit dans les thématiques abordées, très actuelles et consensuelles, l'esthétique pop/colorée, le choix des acteurs. Et puis comme le dit Panzer, quand ça cherche à faire de la réflexion théorique, ça vole quand même pas très haut (notamment sur la politique, même si je suis d'accord sur le fait que si on veut une meilleure société, il faut être socialiste :niais: )

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Messagepar Murungaru » 12 Fév 2024, 11:40

Panzer a écrit:La zone d'intérêt (2023 de Jonathan Glazer)
Curieux de lire les avis, j'ai trouvé que le film tournait rapidement en rond et qu'il était bien chiant, ennuyeux et sans enjeux. Je veux bien que ce soit un beau film sur la forme, mais je ne comprends pas sa hype.


Je suis bien allé le voir vendredi.
Je suis pas tout à fait d'accord avec toi dans le sens où je ne me suis pas du tout ennuyé. J'étais même plutôt scotché à mon fauteuil (merci tout le travail sur le son).
Malgré tout j'ai de grosses réserves sur le film et sur son succès critique chez beaucoup.

Le parti pris du hors-champs pourquoi pas, c'est même pas ça que je questionne en tant que tel. C'est plus son symbolisme assez ras les pâquerettes, pas subtil pour un sous (y compris les images de nuit, sorte de négatif de la famille nazi). Et puis ce changement partiel de lieu dans le dernier tiers, qui fait retomber une bonne partie de ce qui a été construit précédemment.
En fait à la fin c'est un peu "tout ça pour ça". Le film n'a pas vraiment raconté grand chose.
En fait la seule chose qu'il apporte à mes yeux c'est un propos sur le monde d'aujourd'hui. Mais utiliser Auschwitz pour cela me dérange beaucoup, car j'ai l'impression que ça se fait au "détriment" des camps de la mort. Je sais pas si je suis clair.

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Messagepar Nifa » 12 Fév 2024, 12:04

Leinhart a écrit:Team grand film pendant 90 minutes puis film grotesque pendant une heure également

Nifa a écrit:Pauvres créatures : Vous avez déjà dit beaucoup de choses dessus, et je suis plutôt d accord avec vous. J'ai adoré, Lanthimos se révèle définitivement comme un des meilleurs cinéastes actuels (je n avais pas aimé Canine, mais j'ai aimé tous le reste). Un Candide sombre, presque gothique mais toujours absurde (je suis le seul à avoir trouvé des éléments de mise en scène faisant penser à Wes Anderson ?!). Leinhart tu disais que le film avait quelques facilités parce que film tourné vers le grand public. Je ne suis pas certain qu'on puisse qualifier ce film de grand public, même si clairement Lanthimos a fait des efforts d ouvertures quand on compare avec ses œuvres précédentes. Bref, seulement vu 2 films au cinéma pour l instant mais deux excellents.


Pour moi, même s'il y l'écrin du film d'auteur, c'est un film 100% grand public (ou en tout cas qui vise à attirer autant les cinéphiles que le grand public), que ce soit dans les thématiques abordées, très actuelles et consensuelles, l'esthétique pop/colorée, le choix des acteurs. Et puis comme le dit Panzer, quand ça cherche à faire de la réflexion théorique, ça vole quand même pas très haut (notamment sur la politique, même si je suis d'accord sur le fait que si on veut une meilleure société, il faut être socialiste :niais: )


Oui, je vois ce que tu veux dire et c'est juste, c'est clairement son film le plus accessible. Par contre, je pense que par son absurdité, les choix de réalisation (les 40mins en noir et blanc notamment-magnifique d'ailleurs-), ça ne passera pas auprès du grand public. C'est pas un film de pur cinéphile, mais ça me parait trop onirique pour des personnes habituées à un cinéma conventionnel et planplan. Quasi sûr que le film serait qualifié de bizarrerie.

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Messagepar Robocrotte 2.0 » 12 Fév 2024, 12:09

Team Midsommar est une merde tout du long.

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Messagepar ninteo » 12 Fév 2024, 12:32

Robocrotte 2.0 a écrit:Team Midsommar est une merde tout du long.

Le contraire m'aurait étonné :moqueur:

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Re: Cinéma

Messagepar Tilo » 12 Fév 2024, 13:15

C'est un film IKEA? :mrgreen:

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Re: Cinéma

Messagepar Leinhart » 12 Fév 2024, 16:10

Je profite de l'activité du topic pour mettre mes visionnages de la semaine dernière (assez boulimique avant le départ en vacances cette semaine)

Pas mal de sorties en salles :
Daaaaaali ! (Quentin Dupieux – 2024) : On arrive à un point où ça devient difficile de critiquer un Dupieux : ceux qui aiment aiment, ceux qui n'aiment pas n'aiment pas... En bon client, j'ai adoré, dès cette première scène où un Edouard Baer habité par son rôle déambule dans un couloir sans fin. Baer chez Dupieux, d'ailleurs, ça sonne presque comme une évidence quand on le voit.
Globalement, j'ai beaucoup aimé ce côté faussement intello, Dupieux citant Depardon ou imitant Bunuel tout en déroulant ses gags absurdes habituels. Et même s'il ne faut pas trop intellectualiser un film de l'Oizo, j'ai été assez fasciné par cette maîtrise de la boucle temporelle, du rêve où on se perd, du film qui n'arrive pas à finir. Il y a finalement beaucoup de son cinéma résumé dans la narration de ce Daaaaali.
Petit bémol au casting, Baer est tellement bon qu'il éclipse les autres, surtout Marmaï et Lellouche pas vraiment à l'aise dans le costume.

La Zone d’intérêt (Jonathan Glazer – 2024) : Très légèrement déçu parce que tout ce que j'ai lu ou entendu sur le film était passionnant, et il est vrai que c'est un objet théorique assez formidable. Côté ressenti en salle, c'est dommage parce que j'ai vu un moyen-métrage grandiose de 50 minutes, avant une 2e partie dont je comprends l'utilité mais qui m'a laissé de marbre.
Avec le temps ne restera sans doute que le souvenir de cette petite vie de rêve aux portes de l'enfer, cette présentation méthodique de l'acceptation des pires horreurs par l'être humain dès qu'il peut en retirer quelque chose, cette barbarie qui irrigue le cadre par ses bords (il n'y a pas grand chose vraiment "hors-champ" contrairement à ce que j'ai pu beaucoup entendre) et qui agresse les sens par ses bruits. C'est peut être un film que je considérerai comme un chef d’œuvre dans quelques années, mais pas dès la sortie de la salle.

La Bête (Bertrand Bonello – 2024) : De Bonello, je n'avais vu que Zombi Child qui ne m'avait pas vraiment laissé un souvenir impérissable (entre qualités esthétiques, audace formelle, thématique intéressante et ennui profond). La Bête, pourtant bien plus long, me laisse un sentiment beaucoup plus positif. Le réalisateur livre une grande histoire d'amour contrarié/impossible à travers trois époques : début du XXe siècle, 2014 et 2044. Formellement, le film est très beau et propose une atmosphère prenante et unique ; il arrive notamment à montrer les faux semblants de chaque époque (les conventions et costumes en 1910, la liberté et l'hypersurveillance en 2014, l'apaisement et l'absence totale d'émotions en 2044). Les acteurs sont bons, Léa Seydoux est notamment très à l'aise dans ce rôle. J'aurais adoré voir Gaspard Ulliel lui donner la réplique mais Georges Mackay s'en sort bien.
Malheureusement, le film a beau être passionnant, il reste en grande partie un objet de réflexions théoriques et peine parfois à vraiment susciter des émotions viscérales (sauf peut-être la scène finale). Et puis Bonello a sans doute une vision un peu étriquée de la technologie qui nuit un peu à son propos

Green Border (Agnieszka Holland – 2024) : Le peu que j'avais vu de Holland ne m'avait pas enthousiasmé, et celui-ci ne fait pas exception. Je ne comprends à qui ce film s'adresse : à moi, qui suis d'accord avec la réalisatrice dès que je lis le synopsis ? Ou aux sceptiques qui verront de toute façon dans ce film une horrible propagande gauchiste.
Je n'ai aucun doute sur les bonnes intentions de Holland, sur le côté sans doute très documenté de son film ; j'ai en revanche beaucoup de mal avec ce noir & blanc auteurisant et esthétisant, avec ces gros plans sur des plaies purulentes, avec ses personnages qui sont des archétypes, avec cette surenchère de violence pendant 2h30 alors que tout est déjà dit et montré au bout de 30 minutes. Et je suis sceptique sur cette fin, pertinente, intéressante, mais tellement appuyée qu'on se demande si on nous a infligé tout ça pour une morale qui tiendrait en un tweet.
Je trouvais le Garrone à la limite de tout ça, mais il arrivait au moins à tenir un unique point de vue, ce qui le rendait beaucoup plus attachant.
Décidément, j'ai du mal avec beaucoup de films qui pourtant, d'un point de vue thématique, me brossent dans le sens du poil.

Si seulement je pouvais hiberner (Zoljargal Purevdash – 2024) : Variation mongole de thèmes déjà largement vus au cinéma. Ca aurait pu être totalement oubliable s'il n'y avait pas, malgré tout, ces personnages très touchants, attachants, imparfaits. Il faut aussi saluer la représentation de la vie et de la ville mongole, assez différente des images de grands espaces qu'on est habitué à voir dans les films qui nous viennent de ce pays.

Aussi en salle, dans le cadre du cycle Usines à la cinémathèque
La Reprise du travail aux usines Wonder (Jacques Willemont – 1968) : Ce court documentaire constitué d'un plan séquence de 10 minutes réalisé presque fortuitement en juin 1968, juste après un vote pour la fin des grèves et la reprise du travail, parvient à capter tous les enjeux politiques d'une époque : le dépit et la rage d'une jeune ouvrière qui a l'impression de s'être fait voler sa révolution, la suffisance d'un syndicaliste qui tire un bilan satisfait (pour son syndicat) de l'opération et le vieux monde (chef du personnel, contremaître) qui attend que la jeunesse se remette au travail sans broncher.
Dix minutes de cinéma vérité, ethnographique comme le qualifie son réalisateur, qui valent plus que beaucoup de films beaucoup plus long qui ont essayé de retranscrire la même chose.

Suivi de Reprise (Hervé Le Roux – 1997) : 28 ans après la Reprise du travail aux usines Wonder, Hervé Le Roux part, caméra à la main, à la recherche de l'ouvrière en colère de 1968. A cette occasion, il interroge les syndicalistes, les travailleurs, les travailleuses et d'autres personnes apparaissant sur ce court bout de pellicule. Cette enquête donne surtout l'occasion d'ouvrir une porte sur le monde de l'usine capitaliste des années 1960, avec ses conditions d'emploi, de travail, ses luttes. De ce point de vue, c'est passionnant car cette découverte ne se fait pas à travers des instantanés mais des souvenirs plus ou moins précis (on finit par avoir l'impression que le seul souvenir commun vraiment fort, c'est la détestation commune du chef du personnel de l'époque), parfois contradictoires, racontés par des hommes et des femmes dont la vie a forcément changé depuis. On y constate notamment que le rôle d'un syndicat comme la CGT a bien changé depuis 1968, ou encore que le terme "gauchiste" (alors uniquement réservé à ce qui était plus à gauche que le PC) a bien changé de sens depuis lors...
Dommage que le réalisateur, sans doute par respect pour ses intervenants, ne coupe pas un peu plus dans le gras, certains témoignages étant moins percutants et moins construits que les autres.

J'en parle aussi cette semaine mais je l'ai vu en 4 séances depuis mi janvier, j'ai aussi découvert dans le cadre de ce cycle un documentaire "monstre" vraiment passionnant :
A l’Ouest des rails (Wang Bing – 2003) : Immense fresque documentaire de 9h filmée avec une petite caméra numérique, dans une cité industrielle en décomposition, pendant plus d'un an et demi. Wang Bing arrive à nous immerger dans cette Chine reculée, en train de cracher ses dernières gouttes de sang avant une fin programmée. Dans ce marasme, il y a des hommes (et des femmes, mais beaucoup moins à l'écran) qui errent et vaquent à leurs occupations en attendant l'inévitable. Laissés pour compte, livrés à eux mêmes, ils devraient préparer l'avenir mais semblent n'en avoir aucun. Malgré cela, il y a toujours chez eux une étincelle de vie qui cohabite avec cette résignation fataliste.
C'est long, certes, mais assez impressionnant si on arrive à se plonger pleinement dans l’œuvre (l'avoir vu en grande partie au cinéma a sans doute beaucoup aidé).

Partie par partie :
Rouille - Part. 1 : Première partie (sur 4) du documentaire fleuve de Wang Bing et c'est très prometteur. Le réalisateur nous donne à voir un gigantesque complexe industriel où l'activité perdure mais qui est en voie d'abandon. Il y a une impression assez étrange, avec ces lieux qui ressemblent à ceux prisés par les amateurs d'urbex mais qui sont toujours occupés par une poignée de travailleurs en activité, sous payés, livrés à eux même. Conditions de travail dégradées, dangereuses, substances toxiques, maladies, chétivité, salaires incertains, alcoolisme, jeux d'argent... On découvre une société un peu en perdition, attendant la fin d'une époque. Mais comme dans son récent Jeunesse, Wang Bing arrive malgré tout à filmer l'humanité, de manière purement objective, et dégage quelques moments de grâce simple de tout ce marasme.

Rouille - Part. 2 : Dans le prolongement de la première partie, on assiste à la fermeture inexorable des dernières usines vues dans la première partie, et on voit l'après qui se dessine pour ces travailleurs des derniers moments : hospitalisation pour évacuer autant que possible toutes les saloperies assimilées par leur corps, attente d'indemnité de licenciement, d'allocations chômage et questionnements sur l'avenir teintés d'une sorte de pessimisme résigné.
Le gros point fort de cette partie réside dans la visite de ces lieux abandonnés promptement, comme si l'apocalypse était survenue, quand Wang Bing déambule seul ou accompagne des ex travailleurs qui cherchent à piller ce qui reste à récupérer.

Vestiges : Difficile de rentrer dans cette 2e partie après 4h à suivre les travailleurs des usines. On a l'impression que Wang Bing nous abandonne pour nous présenter des nouveaux personnages qui sont de prime abord moins intéressants. De prime abord seulement parce que dès que le ressort narratif est actionné (ces gens qui mènent leur petite vie vont devoir déménager, on ne sait pas quand mais ça arrivera), ça redevient fascinant. Le quartier se désagrège littéralement, les habitants découpent les maisons et les vendent au poids, l'électricité disparaît, la vie demeure mais de plus en plus rare, les gens s'en vont, sans savoir où. Un film d'exode à part entière.

Rails : Sans doute la partie dans laquelle j'ai eu le plus de mal à m'immerger mais elle a du sens dans cette grande fresque construite par Wang Bing parce qu'elle montre les conséquences du démantèlement de cette cité ouvrière sur un nouvelle activité : le train de marchandises. On se retrouve à suivre pendant un peu plus de 2h un groupe de cheminots qui finissent par être complètement livrés à eux-mêmes, accomplissant des activités dont on peine parfois à saisir l'enjeu. Et dans ce grand bordel ferroviaire, il y a un personnage particulièrement attachant qui est développé et dont le destin semble assez bien résumer celui de l'ensemble des personnages suivis depuis le départ.


Et à la maison, du soviétique, du Varda, pour rester dans les thèmes du début d'année, et autres :
Kung-Fu Master (Agnès Varda – 1988) : Déçu par ce Varda qui ressemble à un court-métrage étiré sur 1h20, où les personnages évoluent peu (sauf dans les 3 dernières minutes), où tout est surexpliqué par une voix off/pensée envahissante. Quant au sujet, on sent beaucoup trop une volonté d'être "choquante", sans rien de plus à apporter (contrairement au Bonheur, par exemple). Et puis, je suis assez consterné de voir Arte céder aux sirènes du On-peut-plus-rien-dire-isme, en indiquant dans leur présentation qu "on ne pourrait plus faire ce film aujourd'hui", l'année où sort l'Eté dernier de Breillat

Les Adieux à Matiora (Elem Klimov – 1983) : Comme "tout le monde", j'ai vu Requiem pour un massacre mais je connais peu le reste du cinéma de Klimov, plus confidentiel chez nous. Ces adieux à Matiora sont assez particuliers puisqu'il s'agit aussi des adieux du cinéaste à sa femme, Larissa Chepitko, qui devait réaliser ce film mais est décédée avec une partie de l'équipe sur le tournage lors de repérages.
Reprenant donc des rush et un scénario déjà écrit, Klimov se lance dans l'achèvement du grand projet de sa femme, et ça donne un film en tout point passionnant : c'est magnifique formellement, grâce aux décors et à la façon de Klimov de filmer de près des visages marqués par le temps et les émotions ; mais c'est aussi un film très touchant, très poétique, qui raconte la fin d'une époque, le passage d'une Russie traditionnelle à une russie moderne, quitte à priver des gens de la vie qu'ils ont toujours connu. De ce point de vue, c'est dans la lignée des grandes oeuvres soviétiques des années 70 où le symbolisme et l'onirisme était omniprésent. Quelques heures après le visionnage, je suis encore marqué par la beauté et la force de certains plans et de certaines scènes.

Soyez les bienvenus (ou accès interdit aux personnes non autorisées) (Elem Klimov – 1964) : Comédie qui est le premier long d'un jeune Klimov qui dépeint à travers un camp de vacances une organisation autoritaire & bureaucratique jusqu'à l'absurde. Difficile ne pas y voir une critique de la société soviétique et de ses règles. Formellement, pour un film de fin d'études, c'est déjà assez impressionnants, avec des plans qui font intuitivement penser à du Wes Anderson, et d'autres idées qu'on retrouvera dans le cinéma US plus tard (il y a déjà la scène post-générique de Ferris Bueller).

Le Troisième homme (Carol Reed – 1949) : Film noir très bien tenu par Carol Reed, avec une intrigue ludique, de très beaux décors et des personnages attachants. Il m'a manqué un petit quelque chose pour y voir un chef d’œuvre (sans doute au niveau de l'écriture, où la résolution de l'intrigue m'a assez vite paru évidente)

Hero (Corey Yuen – 1997) : Difficile de faire une critique constructive de ce film hong-kongais qui est à la fois assez jouissif à regarder pour ses scènes d'actions et très oubliable sur beaucoup d'autres aspects. C'est écrit à grand traits avec d'incessants rebondissements, pas très bien interprété... mais dès que ça commence à se taper dessus, on peut difficilement décrocher de l'écran.
C'est assez fascinant de voir qu'à HK, même quand on fait de l'action à coup de scènes très coupées et avec beaucoup de gros plans, ça reste 1000 fois plus lisible que n'importe quel film d'action US dopé aux effets spéciaux numériques.

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Re: Cinéma

Messagepar Ligne en faux rond » 12 Fév 2024, 18:32

Nifa a écrit:Je ne crois pas avoir Laurent Lucas, dans un film n ayant pas un côté malsain (très bon acteur au demeurant).

Si tu as l'occasion de mettre la main (enfin, les yeux) sur Les Démons d'un dénommé Philippe Lesage...
Il y apparaît peu, mais... bref, débrouille-toi pour le voir !

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Re: Cinéma

Messagepar Panzer » 12 Fév 2024, 21:48

Murungaru a écrit:
Panzer a écrit:La zone d'intérêt (2023 de Jonathan Glazer)
Curieux de lire les avis, j'ai trouvé que le film tournait rapidement en rond et qu'il était bien chiant, ennuyeux et sans enjeux. Je veux bien que ce soit un beau film sur la forme, mais je ne comprends pas sa hype.


Je suis bien allé le voir vendredi.
Je suis pas tout à fait d'accord avec toi dans le sens où je ne me suis pas du tout ennuyé. J'étais même plutôt scotché à mon fauteuil (merci tout le travail sur le son).
Malgré tout j'ai de grosses réserves sur le film et sur son succès critique chez beaucoup.

Le parti pris du hors-champs pourquoi pas, c'est même pas ça que je questionne en tant que tel. C'est plus son symbolisme assez ras les pâquerettes, pas subtil pour un sous (y compris les images de nuit, sorte de négatif de la famille nazi). Et puis ce changement partiel de lieu dans le dernier tiers, qui fait retomber une bonne partie de ce qui a été construit précédemment.
En fait à la fin c'est un peu "tout ça pour ça". Le film n'a pas vraiment raconté grand chose.
En fait la seule chose qu'il apporte à mes yeux c'est un propos sur le monde d'aujourd'hui. Mais utiliser Auschwitz pour cela me dérange beaucoup, car j'ai l'impression que ça se fait au "détriment" des camps de la mort. Je sais pas si je suis clair.

Finalement on pense un peu la même chose du film. :angel
Mais je suis beaucoup moins sensible sur tout ce qui concerne le son. Je crois n'avoir jamais fait un commentaire là-dessus, sur tous les films que j'ai commentés. C'est vraiment quelque chose qui me laisse plutôt indifférent, je suis d'ailleurs pas un grand passionné de musique, ça explique un peu ça.

J'attache par contre plus d'importance au scénario, même si avec le temps, j'arrive à faire un peu abstraction. Mais là, il se passe vraiment rien durant ce film, qui aurait pu tenir dans un moyen métrage de 40'. C'est vraiment le genre de film où j'ai l'impression qu'on me prend pour un demeuré. :niais:

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Re: Cinéma

Messagepar ElRojo » 12 Fév 2024, 22:56

Assez en phase avec Panzer pour La Zone d'intérêt. Si j'étais critique chez Libé je dirais "la zone inintéressante" : il ne se passe rien, et ça n'a même pas l'excuse du contemplatif (alors que ça aurait pu être un parti pris - qui aurait recueilli moins de retours positifs, certes). Puis je m'attendais à une certaine tension avec le son, et j'ai été assez de marbree. Sans compter que formellement, la photo est assez à chier, avec une sous-exposition constante. Heureusement que Glazer a de beaux plans bien composés :love:
Reste que... c'est un film vraiment utile sur la banalisation du mal, sur le confort face à l'horreur, sur l'indifférence face à la souffrance. Le paradoxe est très bien marqué, et plus qu'avec les bruits de fond et la vue des cheminées, je retiendrais les préoccupations quotidiennes du couple qui paraissent anodines par rapport au drame.

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Re: Cinéma

Messagepar Robocrotte 2.0 » 13 Fév 2024, 08:03

Leinhart a écrit:
Green Border (Agnieszka Holland – 2024) : Le peu que j'avais vu de Holland ne m'avait pas enthousiasmé, et celui-ci ne fait pas exception. Je ne comprends à qui ce film s'adresse : à moi, qui suis d'accord avec la réalisatrice dès que je lis le synopsis ? Ou aux sceptiques qui verront de toute façon dans ce film une horrible propagande gauchiste.
Je n'ai aucun doute sur les bonnes intentions de Holland, sur le côté sans doute très documenté de son film ; j'ai en revanche beaucoup de mal avec ce noir & blanc auteurisant et esthétisant, avec ces gros plans sur des plaies purulentes, avec ses personnages qui sont des archétypes, avec cette surenchère de violence pendant 2h30 alors que tout est déjà dit et montré au bout de 30 minutes. Et je suis sceptique sur cette fin, pertinente, intéressante, mais tellement appuyée qu'on se demande si on nous a infligé tout ça pour une morale qui tiendrait en un tweet.
Je trouvais le Garrone à la limite de tout ça, mais il arrivait au moins à tenir un unique point de vue, ce qui le rendait beaucoup plus attachant.
Décidément, j'ai du mal avec beaucoup de films qui pourtant, d'un point de vue thématique, me brossent dans le sens du poil.


Merci pour cet avis sur Green Border. J'ai exactement le même avis, j'ai été très embarrassé par le dolorisme et l'accumulation schématique, et ça m'a valu de copieuses insultes... Alors qu'il n'a jamais été question de critiquer les "gauchistes" ou d'être en désaccord avec ce que le film dénonce. Je me sens un peu moins seul.

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Re: Cinéma

Messagepar friton01 » 13 Fév 2024, 18:31

Alain Dorval, est mort :cry:
C'était quelqu'un de très touchant et pertinent lorsqu'il parlait de son métier

Fun fact : sa fille dont il parle à propos de Fievel dans la vidéo d'Allociné est Aurore Bergé

Pour le plaisir

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Re: Cinéma

Messagepar Mr-T » 13 Fév 2024, 18:37

Au début je comprenais pas tous ces messages de haine envers Aurore Bergé aujourd'hui (plus que d'habitude en tout cas) jusqu'à ce que je vois le décès de son père :sarcastic:

Une voix mythique s'éteint :diantre:

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Re: Cinéma

Messagepar Kreuziger » 14 Fév 2024, 21:31

Mr-T a écrit:Au début je comprenais pas tous ces messages de haine envers Aurore Bergé aujourd'hui (plus que d'habitude en tout cas) jusqu'à ce que je vois le décès de son père :sarcastic:

Une voix mythique s'éteint :diantre:

Ça a sûrement plus de lien avec son intervention à la radio mais bien tenté :ok:

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Re: Cinéma

Messagepar Panzer » 18 Fév 2024, 23:48

Gentlemen of Fortune (1971 de Seryy)
Je voulais redonner une chance à un classique de la comédie soviétique diffusée sur Prime. Bon, je pense m'arrêter là, le décalage culturel doit être trop grand. :niais:

The Assassin (2015 de Hsiao-Hsien Hou)
Leinhart a souvent parlé de ce réal, j'avais envie de le découvrir et me faire mon avis.
Un film sur la Chine Médiéval, c'est beau mais qu'est-ce que c'est chiant, avec tous ces plans où on reste 2' sur un même plan sans qu'il ne s'y passe rien. J'espère que tous ces films ne sont pas du même genre. :angel

L'accusé (2016 de Oriol Paulo)
Mon 3ème Oriol et c'est toujours très efficace dans le genre thriller policier à rebondissements, même si c'est parfois tiré par les cheveux. Pour le coup, c'est pas forcément très beau, la mise en scène est pas forcément travaillé malgré l'effort de lui donner un côté très sombre, mais on ne s'ennuie pas une seconde dans ce thriller.

Printemps précoce (1956 de Yasujirô Ozu)
J'en suis à mi-chemin dans ma découverte des Ozu. J'avais été un peu lassé par les deux derniers visionnages un peu trop répétitif. On reste sur les mêmes thèmes familiaux, avec un peu plus de prise de risques, en parlant de relation extraconjugale. Un film qui allie à la fois une belle présentation et un scénario très intéressant. :P

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Re: Cinéma

Messagepar Robocrotte 2.0 » 19 Fév 2024, 07:37

Panzer a écrit:Gentlemen of Fortune (1971 de Seryy)

L'accusé (2016 de Oriol Paulo)
Mon 3ème Oriol et c'est toujours très efficace dans le genre thriller policier à rebondissements, même si c'est parfois tiré par les cheveux. Pour le coup, c'est pas forcément très beau, la mise en scène est pas forcément travaillé malgré l'effort de lui donner un côté très sombre, mais on ne s'ennuie pas une seconde dans ce thriller.

Je n'ai vu aucun de ses films mais je suis peu convaincu qu'il y ait déjà une tuerie d'Oriol. :noel:

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